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Libération conditionnelle: l’exception ne peut pas faire la règle...



Le “cas Martin”, au-delà de l’horreur qu’elle représente et de cette vérité que certains réclament (car la vérité judiciaire, elle, elle est faite), ne peut pourtant en aucun cas nous faire reculer. On ne peut pas, parce qu’on considère une affaire plus grave qu’une autre (aidés en cela par les médias), faire un bond en arrière.

Si Martin bénéficie d’une libération conditionnelle, c’est parce qu’un jour, à l’issue d’un procès d’assises, un jury populaire en a ainsi décidé en toute connaissance de cause: il n’a pas imposé à Martin une réclusion à perpétuité assortie d’une mise à disposition du gouvernement. Il l’a condamnée à 30 ans de réclusion, sachant très bien qu’elle pourrait demander une libération conditionnelle anticipée.

Au-delà de l’horreur, bien réelle de ce qu’a fait Michelle Martin, au-delà de la colère, compréhensible, que suscite son éventuelle libération conditionnelle chez certains, il faut absolument, je pense, prendre de la distance. Considérer la problématique dans son ensemble.

Le fait que les soeurs Clarisses aient décidé, et expliqué dans un communiqué on ne peut plus cohérent à mes yeux d’accueillir Michelle Martin nous rappelle encore une fois le fait qu’en Belgique, il n’y a rien ou presque pour accueillir des gens comme Michelle Martin et devrait nous faire réfléchir au fait que ce problème concerne bien d’autre gens à leur sortie de prison, que ce soit en conditionnelle ou non, d’ailleurs.

Sachant qu‘il n’y a rien ou presque pour faire en sorte que les prisons servent à quelque choseau-delà du simple enfermement de gens pour lesquels le système n’a même pas envie d’imaginer d’autres solutions de réinsertion, on peut effectivement s’inquiéter pour notre sécurité. Car que faire quand on sort de prison après parfois de nombreuses années dans des conditions épouvantables, avec zéro chance de trouver un boulot, zéro acquis en prison (où certains entrent sans même savoir lire), aucun sevrage, parfois aucun domicile, aucun papier et personne pour vous guider?

La libération conditionnelle est une possibilité offerte à des gens qui, condamnés à des peines de prison, peuvent envisager une sortie anticipée, moyennant certaines conditions, comme son nom l’indique.

Et ça, c’est fondamental.

Outre le fait qu’à titre personnel et pour les raisons expliquées sous le lien plus haut, je ne pense pas que dans ses conditions actuelles, la prison fasse du bien à qui que ce soit (sauf à y garder tout le monde ad vitam), il est fondamental de se souvenir que tout prisonnier est un être humain. Aussi monstrueux soit-il, il reste un être humain. Capable du pire et du meilleur. Et que si en effet certains prisonniers nous inspirent plus d’horreur que d’autres, la prison est dans la grande majorité des cas, un passage.

Dire à quelqu’un qui entre en prison qu’il aura, au terme d’une partie de sa peine, la possibilité de montrer son amendement, c’est lui dire “Tu as merdé, tu peux changer”. Ou mieux: “Tu peux fonctionner autrement, nous pensons que tu en es capable”. Et ce travail, même s’il est certes plus que grand temps de l’encourager au sein même des prisons, est possible pour un certain nombre de condamnés.

On peut décider que non. On peut décider qu’un mec qui est condamné à 30 ans doit purger 30 ans. On peut lui dire qu’il n’est pas dans notre catégorie d’humains. Qu’il n’est pas humain. Qu’il ne vient de nulle part, que rien ne l’a mené là et que rien ne pourra le rattraper. Qu’on ne croit pas en lui. Mais ce raisonnement est très dangereux. Et un peu facile. Ranger des gens dans des catégories, c’est commode. Mais ça ne fera avancer ni eux, ni l’humanité. C’est d’ailleurs à mon sens ce qu’on fait en maintenant nos prisons dans cet état catastrophique et leurs prisonniers dans un système plus abrutissant qu’autre chose.

Et alors, je ne donne pas cher de la peau du personnel pénitentiaire. Ni de la nôtre.

Il serait temps aussi de faire en sorte que certaines personnes n’aient jamais à entrer en prison. C’est possible. Moyennant un peu de volonté politique en matière de prévention.

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