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Un petit tour dans le caniveau...

Je me suis retenue de bloguer sur le sujet toute la journée d’hier. Je me suis dit “Dors dessus, calme-toi, on verra demain“.

Eh bien voilà, on est demain et je suis toujours consternée.

La DH a donc publié un article qui commence comme suit: “ Frédéric Dutroux, qui a désormais changé de nom pour s’appeler Frédéric XXX…“. Les “XXX”, c’est moi qui les mets. Pas la DH.

Non contente de ça, elle publie l’article sur sa page facebook et laisse la déferlante haineuse envahir le fil des commentaires, sans aucune modération. Ce qui nous permet d’apprendre, dans le désordre et en vous épargnant l’orthographe approximative: que Michelle Martin est pédophile. Que Michelle Martin est une pute. Que la pédophilie est héréditaire. Qu’on n’a pas le droit d’aimer sa mère quand elle a commis des atrocités sur des enfants. Que les enfants de Michelle Martin méritent le même sort que ses victimes. Qu’on va lui casser la gueule. A elle. A lui. Qu’il n’a pas le droit de toucher un héritage, parce qu’il est le fils d’une salope. Qu’il doit se tirer une balle…

Et vas-y que je t’encourage à monter en puissance, vas-y que je traite de pédophiles ceux qui osent s’offusquer de mes propos haineux. Que je les renvoie à leurs propres enfants. Que je les invite à, je cite, “Accueillir Dutroux chez vous”. Vas-y que je m’excite tout seul derrière mon écran, de plus en plus persuadé de mon fait, puisque plein de gens sont d’accord.



Caniveau

Que la DH ait pêché son info ailleurs et/ou qu’elle ait eu l’autorisation par la personne concernée de publier son nouveau nom ne justifie en rien qu’elle l’ait fait.

D’abord, parce que cette information n’apporte rien. Rien que la mise en danger d’un gars qui, en osant témoigner de son amour pour sa mère devant un lectorat aveuglé par la haine de celle-ci, allait ce faisant l’attirer à lui. Chose que la DH savait pertinemment.

Ensuite, parce qu’en surfant de manière aussi imbécile sur le besoin compréhensible de ce garçon de s’exprimer, elle ne l’aide pas. Elle aurait pu faire un bon article. Quelque chose de didactique. Avec une réflexion professionnelle sur cet amour inconditionnel de la mère, par exemple. (Elle l’a peut-être fait dans ses éditions papier, mais pas sur sa page FB).

Enfin, parce qu’en diffusant cet article sans aucune modération par après, elle a fait preuve d’un cynisme inacceptable. Faire du chiffre au détriment de l’information, on connaissait déjà. Faire du chiffre en surfant sur la bêtise au lieu d’informer aussi. Faire du chiffre en attisant à ce point les haines qu’on met sciemment quelqu’un en danger, voilà qui est plus rare. J’avais déjà connu ça une fois, quand pour le plaisir d’annoncer un scoop, un journal avait bafoué un embargo en faisant fi de la sécurité d’un petit garçon. Et tiens… c’était la DH.


Un mérite

Si la DH a un mérite, c’est de mettre en lumière quelque chose de consternant: certaines personnes, de nombreuses personnes, manquent à ce point de jugeote qu’elles sont capables dans un même temps de refuser l’inacceptable et de le souhaiter à autrui, voire même de menacer de le faire subir à autrui.

Certaines personnes, de nombreuses personnes, pensent, face à l’inacceptable, qu’il est héréditaire. Et mieux: qu’on est responsable des actes commis par ses parents.

Ces mêmes personnes sont infichues d’éructer dans un français correct (j’ai vérifié).*

Alors peut-être que la haine fait perdre certaines notions, mais j’ai plutôt tendance à me dire que tout cela pose question quant à notre enseignement, pourtant obligatoire… mais c’est un autre débat.

*Ceci dit, un bon usage de la langue ne garantit pas le bon sens et le recul, pas plus qu’une écriture approximative n’est le signe du contraire. Mais ça pose question.

Postliminaire: Certains m’ont objecté que “Parler de la DH, c’est faire de la pub à la DH”. J’ai décidé de le faire quand même, parce que je ne pense pas que m’en abstenir changera quoi que ce soit. Et que je caresse le tout petit espoir qu’en combattant certaines choses, on peut les vaincre.


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